D’Allatini à Dassault – Une saga née à Thessalonique
D’Allatini à Dassault – Une saga née à Thessalonique
Le 25 janvier 2021, Florence Parly, ministre française des Armées, était à Athènes pour la signature du contrat d’acquisition de 18 avions de combat Rafale¹, en présence de son homologue Nikos Panagiotopoulos. Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis qualifiait alors l’accord d’ « historique », dans son discours prononcé en français.
Cet achat, approuvé par le Parlement grec quelques jours auparavant, participe du renforcement de la coopération bilatérale souhaitée par le président Macron et le Premier ministre Mitsotakis, et s’inscrit dans le cadre de l’évolution du contexte régional. La Grèce, premier pays européen à acquérir le Rafale, fleuron de l’industrie française, devient ainsi le quatrième client à l’export de Dassault Aviation pour les Rafales – après l’Egypte, le Qatar et l’Inde.
La relation entre la Grèce et la famille Dassault est toutefois loin d’avoir commencé avec cette acquisition. Marcel Dassault, génie de l’aéronautique et créateur de l’empire industriel Dassault (décédé en 1986 à l’âge de 94 ans), n’était autre que le fils de Noémie Allatini, dont la famille fut l’une des plus influentes de Thessalonique.
La saga familiale débute avec Lazare Allatini, sépharade natif de Livourne (Italie) qui s’installe à Salonique² en 1802. Dans cette ville renommée pour son dynamisme commercial, il se lance dans le négoce de céréales.
Mais c’est surtout son fils, Moïse (l’oncle de Noémie) qui bâtit non seulement la renommée de la famille, mais contribue également à l’essor de la ville de Thessalonique entre la fin du XIXᵉ siècle et le début du XXᵉ. Il fonde un vaste empire économique, organisé autour des secteurs de la minoterie, de la transformation du tabac et de la briqueterie, qui connaît une telle expansion que sa fortune devient la première de Salonique, et la troisième de l’Empire ottoman.
Cet homme éclairé, diplômé de médecine, va par ailleurs jouer un rôle déterminant dans la propagation de l’esprit des Lumières et la modernisation du système éducatif de la ville. Il appuie et finance l’ouverture de nombreuses écoles, en particulier celles de l’Alliance israélite universelle (fondée à Paris en 1860), permettant ainsi la régénération et l’élargissement de l’éducation – à destination notamment des filles et des enfants des couches les moins favorisées de la société – ainsi que l’implantation du français dans la ville.
Parallèlement, la famille Allatini modifie durablement le paysage de Salonique, en faisant construire de nombreux édifices, en particulier la minoterie Allatini-Darblay, toujours présente près du front de mer, et la villa Allatini, résidence familiale abritant aujourd’hui la préfecture de région de Macédoine Centrale. Un buste à l’effigie de Moïse, sculpté par l’artiste Ntina Anastasiadou, a été inauguré dans ses jardins en juillet 2020, en présence de Laurent Dassault (petit-fils de Marcel, l’un des quatre enfants de Serge Dassault), et d’Apostolos Tzitzikostas, gouverneur de Macédoine Centrale. La famille Dassault, qui a également apporté son soutien pour la rénovation de la salle Allatini-Dassault de l’Institut français de Thessalonique en 2012, ainsi que pour l’exposition Souvenirs de Salonique en 2019, perpétue ainsi le philanthropisme de l’aïeul Moïse.
¹ Augmenté ensuite de 6 avions supplémentaires, soit un total de 24.
² Autre appellation de Thessalonique datant de l’Empire ottoman.
Source des illustrations : Souvenir de Salonique | © Sandrine Szwarc
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